Burkina Faso: la
sanction de la couardise. « Le discours qui consiste à dire
qu’il ne faut exclure personne, au nom de l’unité nationale, relève d’une
hypocrisie qui pousse à tolérer toutes les compromissions sur ce
continent. »
Par Jean-Baptiste Placca – RFI Diffusion : samedi 11 avril 2015
Le nouveau Code
électoral du Burkina écarte les partisans de Blaise Compaoré. Comme une sanction
contre le manque de courage. Tant mieux, parce que le retard de l’Afrique est
aussi le fruit de toutes les compromissions tolérées, de toutes les lâchetés
sans conséquence, de toutes les couardises récompensées.
Anne Cantener: Les
partisans du président déchu se retirent des organes de la transition : ils
protestent contre une disposition du Code électoral qui prive de candidature
tous ceux qui ont participé au dernier gouvernement de Blaise Compaoré. Ils
trouvent la mesure discriminatoire. Alors, injuste ou pas ?
Jean-Baptiste
Placca: C’est une
disposition contre la lâcheté, contre la couardise. Elle devrait inciter au
courage en politique. Car le véritable problème, ici, est celui de la difficulté
d’une grande partie de l’élite politique africaine à assumer ses erreurs. Elle
ne sait pas démissionner quand elle a failli ; elle n’a pas la décence de
se retirer lorsqu’elle a échoué. Dans le cas spécifique du Burkina, ceux qui ont
soutenu, activement ou même par leur silence, le projet de révision
constitutionnelle rejeté par la population, devraient avoir au moins la décence
de se faire un peu discrets.
Vous ne pouvez pas
avoir soutenu jusqu’au bout ce projet de troisième mandat pour le président
déchu, ce projet qui a coûté la vie à nombre de vos concitoyens et, dès le
lendemain de la chute du régime auquel vous participiez, venir vous asseoir à la
table pour être les acteurs du renouveau démocratique. C’est pire que de
l’indécence !
Mais ces partisans
du président déchu estiment avoir déjà avalé trop de couleuvres…
Peut-être faut-il
leur rappeler que certains de leurs anciens compagnons ont eu le courage de
dénoncer le projet et pris leurs distances, ce qu’ils ont payé, au minimum d’une
traversée du désert. Le courage, la défection de ceux-là a fragilisé le régime
et permis sa chute. Lorsque vous n’avez eu ni le courage de vous opposer au
projet ni celui de démissionner pour ne pas en être complices, vous devez, au
moins, avoir la dignité de vous faire discrets. Ce qu’ils revendiquent, c’est
une prime à la lâcheté, à la couardise, pour se repositionner et se faire élire
à la faveur d’une démocratie qu’ils n’ont rien fait pour
conquérir.
Oui, par respect
pour ceux qui sont morts en combattant ce projet de révision constitutionnelle,
il est du devoir de leurs compagnons qui ont survécu de vous inviter à quitter
la table ! Le discours qui consiste à dire qu’il ne faut exclure personne,
au nom de l’unité nationale, relève d’une hypocrisie qui pousse à tolérer toutes
les compromissions sur ce continent. Le retard de l’Afrique est aussi dû à
toutes ces lâchetés sans conséquence, à toutes ces couardises
récompensées.